Compte rendu sur les rencontres sur la Souffrance
février 2007 - édité par Florie
La souffrance
1 – La recherche du sens de la souffrance
2 – La souffrance et le mal
3 – La souffrance et la Rédemption
1 – La recherche du sens de la souffrance - Les composantes de la souffrance
L’homme est le seul dans l’existence animale à savoir qu’il souffre. C’est à partir de ce constat que l’homme se pose la question du sens de la souffrance. Il cherche non seulement une explication à l’expérience de la souffrance, mais aussi une solution. La recherche du sens de la souffrance est fondamentale pour comprendre l’humanité et sa destinée.
Souvent, on associe le sens de la souffrance au sens de la maladie. Or c’est une erreur puisque la maladie vient d’un diagnostic actuel, et ne recherche pas de sens ni dans le passé, ni dans le futur. Elle est médicale car la médecine est là pour donner réponse à cette altération organique ou fonctionnelle plus ou moins grave et durable.
1.1 – La question personnelle de la souffrance
la souffrance est d’abord une expérience personnelle. deux dimensions :
– La souffrance physique : résultat d’un disfonctionnement de l’organisme, quel qu’en soit la raison. la médecine est le remède normal à cette souffrance.
– La souffrance morale : souffrance de l’âme. elle se différentie de la souffrance psychique, qui est plutôt une conséquence de la souffrance.
1.2 – La question du rapport entre la souffrance et le mal
La souffrance, sous toutes ses formes, se présente d’abord comme le fait de subir un mal.
1.2.1 – La différence entre les perceptions hébreu et grecque
Dans l’Ancien Testament, souffrance et mal sont identiques. En hébreu, il n’y qu’un seul mot pour mal et souffrance. Au contraire, le grec crée une distance entre la souffrance et le mal, ce qui renforce le caractère subjectif de la souffrance dans sa dimension personnelle.
1.2.2 - La différence entre une souffrance active et une souffrance passive
Toute souffrance, dans sa dimension personnelle, demeure cependant à la fois active et passive.
– Par exemple, si quelqu’un se fait mal, il a un caractère actif.
– le souffrant est aussi passif car la souffrance demeure toujours un mal infligé.
Il y a là une véritable expérience du mal, qui entraîne la souffrance de l’homme.
1.2.3 – La souffrance, l’existence et le mal
Un certain nombre de philosophes lient l’existence humaine à un mal dont il faut se libérer. Au contraire, le christianisme considère que l’existence humaine est fondamentalement bonne et que la souffrance n’existe que parce que le mal prive l’homme du bien : « l’homme souffre à cause du mal qui est un certain manque, une limitation ou une altération du bien »[1]. Il « souffre en raison d’un bien auquel il ne participe pas, dont il est, en un sens, dépossédé ou dont il s’est privé lui-même. Il souffre en particulier quand il « devrait » avoir part – dans l’ordre normal des choses – à ce bien, et qu’il n’y a pas part »[2].
2 – Pourquoi la souffrance ? La souffrance et le mal
Comment concilier le fait de la souffrance avec l’infinie bonté de Dieu ?
Dieu ne peut vouloir la souffrance ou le mal en tant que tel, mais qu’il accepte la souffrance ou le mal en tant qu’ils sont des conséquences de quelque chose d’autre. Ex. l’homme peut être amené à ressentir des maux physique afin d’exercer des qualités morales ou spirituelles plus élevées.
D’où vient ce mal qui engendre la souffrance de l’homme, et quel est le rôle de Dieu qui permet une telle conséquence du mal ?
2.1 – La souffrance de l’homme
On ne peut dire en vérité que Dieu souffre car Il n’est pas sujet à une souffrance infligée par quelqu’un d’autre. La souffrance est donc humaine.
Le mal est la condition du bien supérieur que Dieu souhaite pour l’homme. Cela engage à voir dans l’action de Dieu la recherche d’un bien, qui provient de sa bonté infinie pour l’homme.
Selon la philosophie non chrétienne, il y a un paradoxe : « en expliquant que ce qui est un mal par rapport à l’individu [la mort], est un bien par rapport à l’ordre de l’univers, il méconnaît aussitôt que l’homme, en tant que personne, n’est pas une simple partie du monde […] mais un tout irréductible […] en rapport direct avec les autres […] personnes humaines, et avec les Personnes divines, dont elles sont l’image »[3]. Sortir de ce paradoxe est simple : faire appel à la Révélation, c’est-à-dire à la vie surnaturelle de l’homme d’où sort aussi cette souffrance.
La conception du mal comme privation de bien, privation du Bien fondamental qu’est Dieu, donne aussi un sens à la souffrance.
Le mal moral (la souffrance morale provoquée par le péché) ne peut être en aucune manière une conséquence de la volonté de Dieu car le péché, par définition, est le fait que l’on s’écarte de ce qui est ordonné par Dieu. Dieu ne peut être non plus cause indirecte du péché par négligence à nous en préserver. Si un homme pèche, sans doute n’a-t-il pas reçu les secours de la grâce de Dieu qui lui aurait permis de ne pas pécher, mais c’est alors une volonté de Dieu, conforme à sa sagesse et à sa justice.
Dieu n’est pas l’auteur du péché ni de la souffrance, mais qu’il est présent par mode de manque, dans le péché comme dans la souffrance, comme manque de Bien. Dieu est présent à la souffrance comme il est présent au péché pour le guérir.
2.2 – La Providence de Dieu dans la souffrance de l’homme
2.2.1 – Deux maux : mal de peine et mal de faute
Mal de peine : mal découlant de la recherche désordonné d’un objet perçu comme bien. Il découle d’une erreur ou d’un manque de notre part : nous pensions trouver un bien, mais c’est un mal que nous subissons.
Mal de faute : mal associé au péché.
Dieu permet le premier, et s’interdit absolument le second. C'est-à-dire que jamais Dieu ne peut vouloir le péché, en être la cause, le complice, etc… Par contre, Dieu permet le mal de peine. Cette déficience de la nature de l’homme, autrement dit, cause de la souffrance, Dieu la permet en tant qu’elle porte un bien supérieur – que nous ignorons dans l’instant.
2.2.2 – Le rôle de la souffrance dans la Providence divine
« La Révélation divine nous dit que l’homme n’aurait pas connu la douleur et la mort s’il n’avait pas péché, et la vie des saints nous montre que la douleur est purificatrice, qu’elle comme un moyen de nous dépasser nous-mêmes, de nous élever des biens sensibles[…] aux biens[…]de l’ordre surnaturel ou de la grâce, qui est en nous le germe de la vie éternelle »[4].
La souffrance nous apporte incontestablement le discernement de ce que nous avons à faire ou à ne pas faire. Le Bien recherché n’étant pas trouvé, des conséquences se font nécessairement sentir, négatives, que l’on appelle souffrance – ou défaut de jouissance parfaite du Bien voulu par Dieu.
2.2.2.1 Dans l’ordre providentiel, la souffrance rétablit la justice
L’ordre providentiel juste, la volonté de Dieu, a été déformé par le péché. La justice vient reformer cet ordre en infligeant un « mal de peine », conséquence du mal du péché. La souffrance de l’homme lui montre son état de pécheur, lui rappelle et l’invite à une conversion vers le bien. La souffrance est un mal pour un bien supérieur. la souffrance en elle-même est un mal ; mais dans ses effets, elle peut être un bien. c’est grâce au mal de peine que Dieu peut rétablir la justice, par la force de la conversion de celui qui souffre. Le mal ou la souffrance est un instrument de la Providence divine.
2.2.2.2 pourquoi la souffrance et la mort dans le plan divin ?
La souffrance est liée à la mort, considérées comme des conséquences du péché.
Le Fils de Dieu, en prenant l’humanité, accepte non pas le péché, mais les conséquences du péché (le mal de peine) par amour de la condition humaine, qu’il a épousé totalement (hormis le péché).
L’exemplarité de Jésus est telle qu’il donne du sens à la souffrance de l’homme, par son propre sacrifice : souffrance physique (la Croix) et morale (rachat des péchés des hommes). Le caractère complet de ce qu’a vécu Jésus donne à la souffrance de l’homme une lumière inégalée : nous ne sommes jamais seuls à souffrir !
3 – La souffrance et la Rédemption
La tradition chrétienne accorde une place importante à la souffrance, notamment dans la Passion de Jésus et dans la célébration de la messe.
La question de la souffrance des hommes doit se relire grâce à la souffrance du Christ. La souffrance étant liée au péché et au mal en général. Elle est aussi source de la Rédemption.
3.1 – Souffrance, Rédemption et témoignage de vie divine
Les sacrements de l’Église sont une expression de la volonté de participation à la souffrance et à la gloire de Dieu. Exemple : dans l’eucharistie, tous les croyants s'unissent au Christ souffrant (1 CO 12, 12 + 26). Nous sommes associés aux mystères de la vie du Christ, à sa souffrance, à sa mort et à sa résurrection en attendant de l’être à son règne (Ph. 3, 20-21). De même, le baptême nous « noie » dans la mort du christ, et c’est ainsi que la vie divine nous est communiquée.
Dieu a donc choisi d’associer l’homme à ce grand mystère de sa souffrance. Il le fait cependant toujours dans l’optique de la Résurrection et du salut mis à portée de l’homme. Le sacrifice du Christ n’est célébré que parce que son corps est glorieux, vainqueur de la mort, et vivant par la grâce de Dieu éternellement.
3.1.2 – La souffrance, témoignage de l’amour de Dieu
Une fois justifié, l’homme doit trouver dans la souffrance même, acceptée et même recherchée en union avec le Christ, un principe d’œuvres salutaires, pour lui-même, mais aussi pour l’extension du règne de Dieu dans le monde.
Expressions de la participation aux souffrances du Christ :
– Les souffrances en général (ex. renoncement, séparations douloureuses…). jusqu’à quel point peut-on considérer être dans le sens de la volonté du Christ ? Ces renoncements s’enracinent d’abord dans le repentir de nos péchés, et ses manifestations extérieures (pénitences du carême par exemple). Il se fonde sur la crainte de Dieu. la souffrance acceptée élève parce qu’elle est participation et configuration au Christ. « c’est en passant par la souffrance, nous dit saint Luc, que le Christ est entré dans sa gloire » (Lc 24, 26).
– Les manifestations extraordinaires. Ex. stigmates, manifestations extérieure de la souffrance de Jésus chez une personne qui s’unit parfaitement, par grâce, aux souffrances de Jésus.
– Les souffrances recherchées ou la mortification des sens. Ex. La flagellation, souffrance qui nous rapproche du Christ. 1 Co 9, 27
Les trois étapes de la souffrance dans le sens chrétien :
– la souffrance est de la pure nature. L’homme souffre comme un animal.
– la souffrance est comprise par l’homme comme une anomalie de ses aspirations au Bien.
– l’homme comprend que cette aspiration spirituelle est surnaturelle et que la souffrance innocente est la conséquence du péché originel.
[1] Jean-Paul II, Salvifici doloris, 7.
[2] Jean-Paul II, Salvifici doloris, 7.
[3] C. Journet, Le mal, p. 263.
[4] Cf. L’Imitation de Jésus-Christ, l. II, c. XII : La voix royale de la Croix.