L’AVORTEMENT : UNE QUESTION QUI INTERPELLE, QUI QUESTIONNE, QUI DIVISE

Qu’est-ce que l’avortement ?

Qu’est-ce qu’un fœtus ? Un embryon ?

Comment est-on amené à s’interroger sur la vie en posant la question de l’avortement ?

Il faut tout d’abord faire attention aux termes que l’on emploie, termes scientifiques dont on ne connait pas souvent la signification exacte. Ils renvoient souvent à des notions différentes, par suite méconnues.

Qu’est-ce que l’avortement ?

Disons-le, l’avortement, c’est la suppression d’un être vivant, à des stades variés de son évolution. Avorter signifie supprimer un être, pas seulement interrompre un processus appelé grossesse. L’avortement ne doit pas être vu comme l’affaire de la femme uniquement. Il y a quatre personnes dans un avortement : l’embryon (nous le nommerons ainsi pour le moment), la mère, le père et celui qui exécute l’opération. Il ne faut pas perdre de vue les trois derniers surtout le père dont on ne parle jamais mais qui joue pourtant un rôle essentiel. Tous ont des questions, des problèmes différents.

Qu’est-ce qu’un fœtus ? Un embryon ?

Tout être humain est issu d’un même événement : la fécondation, rencontre d’un spermatozoïde et d’un ovule, qui a lieu dans l’utérus de la femme et donne naissance (comment une expression courante peut poser des questions) à un œuf. L’œuf débute alors son existence ( ?). On distingue deux périodes : la vie libre (les termes sont-ils anodins ?) i.e. dans la trompe puis la vie intra-utérine, dans l’utérus de la femme.

Durant la première période, l’œuf commence à se transformer ; il devient la morula puis la blastula et se développe de manière à pouvoir s’implanter dans l’utérus. Commence alors la seconde période, la vie de l’embryon, puis celle du fœtus.

Lequel de l’œuf, de l’embryon ou du fœtus doit-il être considéré comme un être humain ?

La « vie » de l’embryon a donné lieu à la création de tout un vocabulaire, embryogénèse, organogénèse, fœtus… Mais lequel de l’œuf, de l’embryon, du fœtus, est un être humain ? C’est là, la question fondamentale à laquelle se résume le débat sur l’avortement.

On parle de la question de l’humanisation. Un mot de plus. Auquel il ne faut pas s’arrêter. La question, c’est la suivante : A partir de quand est-il un être humain ? Où, quand commence la vie ?

L’œuf est-il un être humain ?

Déjà, qu’est-ce qu’un être humain ? Même si c’est une autre question, on peut y réfléchir. C’est « être » « humain ». Comme être grand. L’œuf est le fruit de la fécondation. Il est le premier stade du développement de tout être vivant. Il possède le caryotype de 46 chromosomes qui définit l’espèce humaine. Il est donc un « être humain » comme aux yeux de la doctrine catholique. Il est déjà actif puisqu’il va alors mettre en œuvre l’activation qui assurera sa survie. Il a 14 jours maximum avant la menstruation : l’hypophyse, située dans le cerveau commandera la fin du cycle et la destruction de la muqueuse utérine. La blastula va donc créer une hormone pour que la menstruation n’ait pas lieu puis s’implanter dans la paroi de l’utérus. Mais l’œuf n’est pas reconnu comme un être humain par tous.

Serait-ce alors l’embryon, ou bien le fœtus ?

L’embryon devient un fœtus une fois les principaux organes développés. A partir de quand l’embryon ou plus tard le fœtus est-il un être humain ? A l’apparition du tube nerveux ? Ou à l’apparition des poumons, qui assurent l’autonomie respiratoire du fœtus ? Mais à vouloir déterminer une frontière, ne risque-t-on pas de s’éloigner de la question ? Effectivement, l’apparition des poumons est une étape décisive du développement du fœtus, essentielle à sa survie. Une naissance ayant lieu prématurément mais après l’apparition des poumons peut permettre la survie de l’enfant. Cette étape a également l’intérêt de pouvoir introduire la notion de viabilité. Un fœtus possédant des poumons est dit viable. On peut définir plusieurs critères de viabilité. (La loi fixe ces critères pour les enfants mort-nés par exemple)

Mais, cette notion de viabilité est très critiquable. Peut-on réellement considérer qu’il existe un stade a priori à partir duquel un fœtus est viable ? De plus, on risque de se détourner de la question de l’humanité de l’embryon. De lui substituer la question de la viabilité. Cela réduirait à déterminer des critères et des seuils de viabilité. Or la question n’est pas à partir de quand le fœtus est-il capable de vivre comme tout être humain mais à partir de quand faut-il le considérer comme un être humain. Et agir en conséquence.

Alors, il ne reste que le bébé

Le dernier stade à considérer, c’est la naissance. Pour ceux pour qui l’être humain débute son existence à sa naissance. Et encore, il a déjà été avancé l’idée que, l’homme étant un être social, il devait être socialisé : il faudrait donc attendre 48 heures après la naissance avant de reconnaitre l’enfant comme un être humain, après s’être assuré de sa possible socialisation.

Ne pas perdre de vue que derrière des termes scientifiques se cache une vie

Sans aller jusque dans ces extrêmes, il faut reconnaitre les risques d’un tel discours. A ne pas reconnaitre l’embryon comme être humain, on risque vite d’en arriver à considérer l’embryon comme une partie de la mère. Cela ouvre la porte à tous les abus.

Chaque être est un patrimoine génétique unique. Même un raisonnement de pure logique, quasi « économique » amène à cette idée. Tant que l’on ne peut pas affirmer que ce n’est pas une personne, il ne faut pas prendre le risque de le supprimer.

Il faut bien considérer que le débat risque de basculer vers la seule détermination de seuil. A force de se demander à partir de combien de semaines ou de l’apparition de quel organe on peut considérer que l’embryon est un être humain, on risque d’oublier que la première question est où commence la vie. Voire même qu’est-ce que la vie.

Bioéthique

« Est-ce qu’une femme peut oublier son petit enfant,

ne peut chérir le fruit de ses entrailles ?

Même si elle pouvait l’oublier, moi, je ne t’oublierai pas. »

Isaïe 49,8-15

Lecture de la messe du jour

Avoir l’esprit ferme et le cœur doux.

« Sans compter les esprits mous au cœur sec, le monde n’est presque fait que d’esprits durs au cœur sec et de cœurs doux à l’esprit mou » (lettre de Jacques Maritain à Jean Cocteau)

La question de l’IVG : l’aborder avec rigueur et exigence intellectuelle. Avec le souci d’un humanisme intégral. On ne peut pas découper le « sujet » en tranches : c’est tout l’homme/toute la femme, qu’il faut garder à l’esprit.

Le drame de l’IVG : l’aborder avec infiniment de respect et de compassion pour la personne. On parle enfin un peu plus du drame de l’IVG qui est, dans la vie d’une femme qui l’a subie, une « bombe à retardement » (Figaro du 3 mars 2008). Souvent, la prise de conscience de la gravité de l’acte n’a lieu qu’une fois celui-ci commis (notamment pour les très jeunes femmes entraînées vers l’IVG par contrainte sociale, familiale, économique…).

Ne pas oublier l’enfant non né dans notre compassion (cf Isaïe).

I. IVG s’inscrit dans une révolution culturelle, révolution des mœurs, révolution sexuelle

IVG conséquence et facteur d’accélération de la révolution culturelle libertaire.

Le tournant de la fin des années 60 : déchristianisation accélérée – sur fonds de crise post-conciliaire- ; urbanisation/individualisme ; essor de la télévision propageant de nouveaux modèles culturels (vedettes qu’on n’appelait pas encore stars : Sagan) ; affirmation des libertés individuelles (fin de l’ère gaulliste : une société encore très rigide) ; développement du travail féminin et volonté d’émancipation des femmes ; libération des mœurs et libération sexuelle ; apparition des mouvements d’avant-garde : Mouvement français pour le planning familial (1960 ) ; MLF (1969) ; 1971 Manifeste de 343 (Beauvoir, Sagan, Deneuve) ; Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception (1973).

Dates symboles de cette époque charnière :

- loi Neuwirth (votée dans les derniers jours de 1967) libéralise la contraception ;

- encyclique Humanae Vitae : 25 juillet 1968 ;

- entre les deux : mai 68 ( « il est interdit d’interdire » : slogan de la révolution libertaire qui s’annonce : contestation tous azimuts des « valeurs » , de l’autorité, des hiérarchies, des institutions, et diffusion des règles libérales hors de la sphère de la politique et du marché – ex : « démocratie » scolaire et « contractualisation du mariage » qui va perdre peu à peu son rôle d’institution sociale ).

Ce tournant n’est pas propre à la France. Un peu partout en Europe, la même révolution se produit, comme un peu plus tôt aux Etats-Unis.

II. IVG inaugure un cycle de « réformes » en trois temps « diversion, transgression, perversion » (J-Marie Le Méné)

- diversion : partir d'un cas particulier pour ameuter l'opinion (battage médiatique) sur le terrain de l'émotionnel ;

- transgression : en profiter pour faire légaliser une nouvelle avancée portant atteinte à la protection de la vie ;

- perversion : engranger l'acquis - et faire en sorte que la nouvelle norme devienne la nouvelle référence morale - en vue d'une nouvelle transgression.

Autres « applications » : euthanasie, recherche sur l’embryon, égalité de droit en faveur des personnes homosexuelles (« mariage », homoparentalité).

Reformulé en termes de doctrine sociale catholique, cela s’appelle une « structure de péché » (cf Encyclique Sollicitudo Rei Socialis, points 36-37).

- diversion : santé publique et compassion. Il s’agit de régler un problème de santé publique et de répondre à une détresse. L’aspect « droit des femmes » gommé ; Françoise Giroud invitée par le gouvernement à ne pas en parler pour éviter toute surenchère…(cf Simone Veil, Une vie, p. 188)

- transgression : l’IVG est un homocide volontaire sur l’être humain au stade le plus précoce de son développement, mais la dépénélisation de cet homicide se présente comme une concession ou dérogation « compassionnelle » au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie . Traitement très différent de celui de l’IVG où la Cour Suprême l’a reconnu comme un droit fondé sur le droit de la femme à la protection de sa vie privée (arrêt Roe/Wade de 1973). NB. La « loi Veil » est en fait la « loi VGE » : volonté personnelle du Président de la République (cf Simone Veil, Une vie, p. 187). Les catholiques aussi sont impliqués dans les réformes attentatoires à la vie (plus tard : Jean-François Mattéi, Philippe Douste-Blazy…).

L’IVG est réservée à la femme enceinte que son état place en situation de détresse (IVG) et à la femme dont deux médecins attestent que la poursuite de la grossesse met sa santé en péril grave ou attestent que l’enfant à naître est atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic (c’est l’interruption « thérapeutique » de grossesse, qui en fait n’a rien de thérapeutique, puisqu’il ne s’agit pas de soigner). Plus tard dénommée interruption médicale de grossesse (IMG).

- à noter encore le caractère temporaire de la transgression (5 ans) qui va permettre de l’acclimater dans l’opinion avant son introduction définitive dans nos lois (Loi Pelletier 1979) ; un précédent pour les transgressions en bioéthique (loi de 1994 ; loi de 2004).

- perversion : l’exception compassionnelle devient de facto un droit acquis à l’IVG, et un droit élargi ; un droit de plus en plus posé en lien avec la contraception.

Le dispositif ira en se renforçant et en l’élargissant ; voyons la chronologie des réformes :

*1982 : remboursement de l’ IVG (loi Roudy) ;

*pénalisation du délit d’entrave à l’IVG (loi Neiertz 1993) pour contrer les commandos anti-IVG ;

* libéralisation de la délivrance des contraceptifs d’urgence (« Norlevo » sans ordonnance ; à titre gratuit pour les mineures ; les infimières scolaires sont autorisées à administrer une contraception d’urgence en cas de détresse : loi Royal 2000)

*durée d’IVG 12 semaines (loi Aubry 2001) ;

*suppression de l’entretien obligatoire pré-IVG pour la femme majeure (loi Aubry 2001) ; il n’est plus fait référence aux situations de détresse ;

*accès des mineures sans autorisation parentale, sous réserve de la présence d’un adulte référent de son choix ; les médecins libéraux peuvent prescrire une contraception à une mineure sans autorisation parentale ( loi Aubry 2001) ;

*IVG médicamenteuse à domicile réglementée par décret (nov. 2004) – mesure de Ph. Douste-Blazy Mifégyne (RU 486) et Misoprostol (prostaglandine). Aujourd’hui 50 000 IVG sur 220 000.

* 2007 : l’IVG médicamenteuse pourra être délivrée dans les centres de planification et d’éducation familiale.

Bref nous sommes entrés dans une tout autre logique du droit :

« Il s’agit de faire progresser le droit des femmes à disposer de leur corps et à maîtriser leur fécondité. Pour cela il faut rendre la loi cohérente avec l’évolution de la société et les besoins des femmes – de toutes les femmes, y compris les plus fragiles ; et il faut leur faciliter l’accès aux progrès réalisés dans le domaine des contraceptifs et des nouvelles techniques d’IVG, en particulier médicamenteuses » (exposé des motifs du projet de loi Aubry). Il n’est plus question, ni de respect de tout être humain dès le commencement de la vie, on est passé au droit souverain de la femme sur son corps qui lui donne droit de vie ou de mort sur l’être humain conçu en son sein.

Essayons d’identifier les points majeurs qui caractérisent ce changement de nature de l’IVG:

l’IVG de détresse est devenu l’IVG de convenance personnelle : l’état de détresse est laissé à l’appréciation de la femme et d’elle seule ; elle est juge souverain de la situation ; elle n’a plus à se soumettre à une consultation à caractère social ; même pour les mineures, on affirme la souveraineté de leur choix en déconnectant l’autorité parentale ;
révolution libérale et même libertaire consacrée par le juge. Le principe que consacre le Conseil constitutionnel, c’est celui de la liberté de la femme enceinte de recours à une IVG (Cons. Const. 27 juin 2001 n° 2001-446 DC). Le respect de la vie n’est pas un principe constitutionnel. Seule l’est la sauvegarde de la dignité de la personne humaine (mais qui n’est pas la dignité de l’embryon : ce n’est pas une personne). C’est ce qui permet au Conseil constitutionnel d’admettre la compatibilité avec le principe de la non-conservation des embryons congelés (Cons. Const. 27 juillet 1994 n° 94-343 344 DC). Donc la femme est seule face à son IVG. L’IVG, « mon choix » ? Mon problème, mon secret, mon drame, pour la vie…
l’affirmation selon laquelle l’embryon a droit au respect dès le commencement de la vie (article 16 du Code civil) est devenue une pure pétition de principe : la loi est vidée de son sens. En fait tout dépend du projet de la mère sur l’embryon. La vie de l’embryon n’a de valeur qu’en fonction de ce « projet parental » et ici exclusivement maternel (le père est quasiment exclu du dispositif. On retrouve le même biais pour les embryons voués à la recherche dès lors qu’ils ne font plus l’objet d’un projet parental. La perversion majeure est ici le déni d’humanité de l’embryon, pourtant être humain au stade précoce de son développement (voir Encyclique Evangile de la Vie, point 60)..
on voit apparaître une atteinte majeure au continuum de la vie humaine de la conception à la mort naturelle : délai d’IVG qui définit une rupture arbitraire dans le non-statut de l’embryon. Avant 12 semaines, l’embryon n’est vraiement pas grand-chose. Après 12 semaines il est en principe un peu plus protégé (il faut un avis médical pour recourir à l’IMG). Ces frontières sont révisables à volonté (voir le débat sur l’état-civil des enfants morts-nés et sur le « pré-embryon » de moins de 14 jours disponible comme matériel de laboratoire).

L’avortement dépénalisé, légiféré comme un dérogation à la protection de l’être humain à naître, change complètement de nature. Il n’est plus, dans les majeures parties des cas, qu’un ultime recours en cas d’échec de contraception. Sa fréquence ne diminue pas. Comme le montre une étude de l’Inserm publiée dans la revue Population et Société en décembre 2004, les grossesses non prévues ont bien diminué, mais le nombre d’avortements ne baisse pas. Les femmes, notamment les jeunes femmes, recourent de plus en plus à l’IVG en cas de grossesse non prévue (62%).

Environ 210 000 IVG par an. 1 avortement pour 3 naissances.

La loi participe de la transformation des mœurs. D’une certaine manière, la loi a fini par faire les mœurs. Dans une société dépourvue de repères moraux, est réputé moral ce qui est légal.

D’où l’arrêt Perruche : la Cour de cassation en 2001 et 2002, a admis que la faute de diagnostic d’un médecin pouvait être à l’origine du handicap congénital de l’enfant, non pas parce que le médecin avait lui-même provoqué le handicap, mais parce qu’il avait permis, par sa faute, la naissance de cet enfant, qui, compte tenu de son état de santé, aurait dû être avorté. Un tel lien de causalité n’est compréhensible qu’à condition de préjuger que si un diagnostic correct a été délivré, l’avortement était la solution certaine qui aurait été proposée par le médecin et retenue par la femme enceinte. Action en wrongful life – préjudice de vie- : « un crêve-cœur, puisque, pour assurer l’avenir de leur enfant handicapé, les parents doivent prouver qu’ils ne voulaient pas cette naissance » (Sénateur About). On sait que cette jurisprudence a finalement – et heureusement- été annihilée par le parlement.

III. IVG verrou bioéthique

Débat interdit sur l’IVG

Aucun bilan à l’occasion des 30 ans de la loi Veil. Cf mémoires de S. Veil. Logique de « l’acquis social » irréversible.

Absence de toute politique consistant à proposer de vrais choix alternatifs à la femme en détresse d’IVG (proposition de loi de Mme Boutin enterrée). C’est contraire à tout l’esprit du dispositif.

Dérives eugénistes de l’IVG (IVG-IMG – DPN ; DPI et tri embryonnaire) trop longtemps passées sous silence. Le Pr. Nisand signale qu’on pratique plusieurs IMG sur des bébés auxquels il manque des doigts…Mais D. Sicard, président du Comité consultatif national d’éthique, s’inquiète de la situation dans Le Monde fin 2007.

Personnels de santé : régression de l’objection de conscience (chefs de service ; affaire du recrutement des personnels médicaux dans l’est ; discriminations occultes). Mais de plus en plus de difficultés pour la prise en charge sanitaire des IVG. La génération des militantes de l’IVG part à la retraite. La nouvelle génération peu encline à pratiquer un acte peu gratifiant et même traumatisant. Les professionnels hésitent à pratiquer l’acte à 12 semaines (plus : échographies de complaisance). Les IVG sont confiées le plus souvent à des praticiens au statut précaire (vacataires).

Débat interdit sur le statut de l’embryon : la législation IVG pose un statut en creux de l’embryon qui nie son humanité. On voit l’affaire rebondir avec le récent arrêt de la Cour de Cassation.

- Cour de cassation 29 juin 2001, 25 juin 2002 : l’incrimination d’homicide involotaire d’autrui prévue par l’article 221-6 du code pénal ne s’applique pas à l’enfant à naître et donc au fœtus ;

- Juin 2003 : échec de l’amendement Garraud sur le délit d’interruption involontaire de grossesse ;

- Cour EDH 8 juillet 2004 VO : le droit de toute personne à la vie garanti par l’article 2 CEDH ne bénéficie pas à l’enfant à naître.

- Chosification de l’embryon : loi sur la bioéthique du 6 août 2004 autorise la recherche sur l’embryon dépourvu de projet parental.

- Contradiction : négation de plus en plus prononcée de l’humanité de l’embryon ; mais aujourd’hui, la rencontre entre les parents et le bébé se fait bien avant la naissance. L’œuf est « transparent » : on y voit son bébé de plus en plus tôt. C’est cette contradiction qui éclate au grand jour avec la demande d’inscription à l’état-civil des enfants morts-nés (arrêts de la Cour de cassation du 6 février 2008).

C. Tendances récentes plus favorables ?

- international : mobilisation récente pour un moratoire sur l’IVG (lancée par Giuliano Ferrara, directeur du journal Il Foglio, et reprise par Berlusconi ) ;

Europe : réactions en Espagne et en Italie contre de graves dérives (avortements tardifs) ; en Espagne, forte mobilisation des catholiques et de l’épiscopat ; le 11 février 2007, un référendum sur la question au Portugal conduit à 60% en faveur d'une dépénalisation, mais avec une participation inférieure au 50% requis pour que ce résultat soit juridiquement contraignant.

- national : alertes sur les dérives eugénistes (Sicard) ; affaire de l’inscription à l’état civil des enfants morts-nés. Mgr Vingt-Trois demande un statut pour l’embryon.

Conclusion : que penser ? que dire ? que faire ?

Déployer une réponse complète, à partir d’une réflexion déployée sur tout le spectre de notre civilisation humaniste : droit et politique, information, vie associative ; économie et social ; mais aussi et surtout philosophie et religion (foi et raison) en faveur d’une civilisation de la vie.

1. Relier l’action en faveur de la vie à la lutte contre la crise de la démocratie libérale en Europe et aux Etats-Unis, subvertie par le relativisme éthique. Le droit de l’homme qui est aujourd’hui le plus menacé en France, c’est le droit à la vie. La naissance est devenue une activité à très haut risque. La forme la plus destructrice pour la personne comme pour le corps social, de relativisme éthique, c’est l’atteinte à la vie. La protection de la vie, c’est le cœur du bien commun dans la cité de l’homme.

2. Gradualité. Il n’y a pas de « gradualité dans la loi de la vie » et l’on doit toujours se déterminer par rapport à une exigence de protection de la vie, de toute vie. Mais l’IVG doit toujours être abordée avec à l’esprit la loi de gradualité (Familiaris consortio n° 9). Tout ce qui est possible doit être mis en œuvre pour rendre toute personne et toute femme, notamment toute jeune femme, progressivement capable de mieux appliquer la loi morale, 1° en éclairant l’intelligence et en redonnant à la personne une volonté et une capacité de rechercher le vrai (information de qualité pour sortir des conditionnements et contraintes sociaux et familiaux) 2° en éveillant le souci de connaître et de désirer le bien. D’où l’importance d’une éducation à la vie et à l’amour, pas seulement une « éducation sexuelle », qui doit commencer très tôt.

3. Objectifs politiques concrets. Il est irréaliste et contre-productif de se placer dans une perspective d’abolition de la législation IVG qui ne peut que conforter les résistances des tenants de la culture abortive, et leur donner des motifs de surenchère. Il est plus important de se mobiliser pour épargner au maximum de femmes l’épreuve de l’IVG, en mettant tout en œuvre pour éclairer leur liberté. De demander qu’on élimine toute les dérives de l’IVG et de l’IMG (eugénistes notamment). Traiter enfin comme il le mérite le problème des traumatismes post-IVG.

4. Communication : nous devons renoncer à un discours d’autorité qui ne peut plus être entendu. Renoncer absolument à la violence verbale et a fortiori physique (les commandos anti-IVG ont fait plus de mal aux partisans de la protection de la vie qu’à la législation IVG). Apprendre à argumenter en direction des non-croyants sans faire appel au dogme. Nous ne devons pas pour autant renoncer à dire la vérité sur la législation IVG et à dire la vérité sur l’application de la loi, ni non plus à témoigner de la source de la vérité pour nous chrétiens : il faut avant tout briser la loi du silence ( caractéristique d’un régime totalitaire soumis à la loi idéologique : chacun est compromis, chacun muré dans son silence, chacun est réprimé s’il s’écarte de l’idéologie). Rappeler aux politiques « l’esprit » de la loi de 1975 : l’avortement n’est pas, ne sera jamais un droit, ce ne peut être qu’exception dramatique et douloureuse à la protection de la vie. L’avortement meurtrit toujours (dixit Simone Veil). Pourquoi la vie de l’être humain serait-il le seul domaine « écologique » dans lequel le principe de précaution ne serait pas applicable ?

5. Vie d’Eglise : les paroisses sont les lieux privilégiés de nouvelle évangélisation mais aussi de réapprentissage de la civilisation de la vie, puisque nulle part ailleurs, et notamment pas à l’école publique, cette formation culturelle n’est transmise à nos jeunes. Prêtres et laïcs, chacun à leur place et dans leur mission, doivent fraternellement y coopérer (Philippe Pouzoulet)./.

« Quiconque accueille ce petit enfant à cause de mon Nom,

c’est moi qu’il accueille,

et quiconque m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé ».

Luc 9,48

Indications bibliographiques

Sur la crise de la démocratie libérale :

- Paul VALADIER : Maritain à contre-temps : pour une démocratie vivante (Desclée De Brouwer) :

- Jacques ROLLET : La tentation relativiste ou la démocratie en danger (Desclée De Brouwer).

- Cardinal Josef RATZINGER : Note doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques en politique (Tequi et www.vatican.va ).

L’Eglise catholique et la vie :

- JEAN-PAUL II : L’Evangile de la Vie ;

- Cardinal Dionigi TETTAMANZI : L’Evangile de la Vie, fondements et enjeux (Salvator) ;

- Pierre-Olivier ARDUIN : La bioéthique et l’embyron (Ed. de l’Emmanuel) ;

- Fr. Stéphane-Marie BARBELLION : Bioéthique du début à la fin de la vie humaine.

- Mgr Elio SGRECCIA : Manuel de bioéthique – Les fondements de l’éthique biomédicale (Edifa) ;

- Conseil pontifical pour la famille : Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques (Tequi).

Droit et bioéthique :

- Jean-René BINET : Droit et progrès scientifique – Science du droit, valeurs et biomédecine (Le Monde/PUF).

Sites à consulter : www.genethique.org (Fondation Jérôme Lejeune)

www.adv.org (Alliance pour les droits de la vie).

L'avortement

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